
Les passionnés et fins connaisseurs savent aussi bien les reconnaître en un coup d’œil que vous en narrer l’histoire : entre Floride et Caravelle, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver. Leur point commun : vous faire plonger plus d’un demi-siècle en arrière, à une vitesse aussi raisonnable qu’enivrante.
Pensé au départ pour le marché américain, dont il tire d’ailleurs largement quelques inspirations, à l’image des (petits) ailerons arrière, c’est finalement sur le vieux continent que le couple Floride / Caravelle trouvera ses meilleurs débouchés. Justement peut-être grâce au « rêve américain » qu’il permet de s’offrir, sans devoir manœuvrer les immenses paquebots conçus alors outre-Atlantique, et totalement inadaptés à nos petites routes et cités à forte densité.
Pour Renault, l’idée est assez simple : prenez un châssis et un moteur de Dauphine, et posez dessus une carrosserie fluide, sexy et découvrable. Et vous obtenez une toute nouvelle voiture. Au fond, c’est exactement ce qu’il s’est passé entre une Cox et une Karmann Ghia, ou autres carrosseries. Résultat : entre les prémices du projet et le dévoilement au public au salon de Paris de septembre 1958, il ne s’est écoulé qu’à peine un an.


Invisible Dauphine
Si la Dauphine et l’Ondine bénéficient d’un coup de crayon tout en rondeur particulièrement réussi, et qui a sans doute largement contribué à leur succès, l’utilisation de la même plateforme pour la Floride ne saute pas aux yeux. La transformation est à peine croyable : lignes épurées et tendues, quelques rondeurs bien placées, capot long, tous les ingrédients sont réunis pour gagner le concours d’élégance.
Si le rouge et le blanc comptent parmi les coloris les plus emblématiques du modèle, les catalogues de l’époque pouvaient aussi orienter les clients vers des couleurs métallisées, beaucoup plus rares dans les années 1960. Une option cochée par le tout premier acquéreur de notre modèle du jour, nichée au cœur des Yvelines, et toute de gris vêtue.
Si cette couleur est aujourd’hui, sur la production automobile moderne, d’une banalité affligeante, il faut bien avouer que cette robe sied à merveille à la Renault Floride, d’autant plus lorsqu’elle est associé à la sellerie en simili couleur cognac, comme c’est le cas ici. Son aspect métallisé lui donne même une touche de modernité, comme si la voiture avait 10 ans de moins.
Moteur en poupe
Mais pour qui est allergique à la modernité, rassurez-vous : à l’ouverture de la porte, à l’installation à la place du pilote, au premier coup de clé (moteur à l’arrière), au premier tour de volant et surtout au premier coup de frein, on est bien dans un modèle né dans les années 50 !


On ne va pas y revenir : tout a déjà été dit et écrit sur les fameuses tout-à-l’arrière, leur train avant aussi léger que flou, leur tendance à la pirouette en cas d’optimisme en sortie de virage, etc. Mais ce dont on parle moins sur ces autos, c’est le freinage. Et pas seulement le manque d’assistance, surtout en sortant d’une auto de 2017 juste avant l’essai, mais aussi son étrange répartition croisée.
Concrètement, lorsqu’on appuie sur la pédale de frein, c’est la roue avant droite qui freine la première, avant d’envoyer la poussée hydraulique à la roue gauche, et ainsi de suite. L’effet est surprenant : la roue avant droite ralentit avant la gauche, engendrant un coup de volant à droite ! Pas de quoi envoyer la voiture dans le décor, mais il vaut mieux rester concentré. « C’est assez déroutant au début, mais une fois l’habitude prise, cela n’a rien de dangereux », me certifie Martial, mon hôte du jour, et heureux propriétaire de cette superbe Floride depuis plusieurs années.
Cette petite surprise passée, conduire une Floride demeure une expérience exquise : seulement 34ch, mais l’impression de beaucoup plus avec une poussée (dans le dos par définition) progressive certes, mais finalement assez franche. Évidemment, la Floride n’est pas une voiture de course, ce n’est d’ailleurs pas ce qu’on lui demande.
Ce qu’on lui demande c’est justement de profiter du grand air et des magnifiques routes du pays, à des allures raisonnables pour le permis, tout en offrant cette sensation de liberté propres aux cabriolets les plus anciens. Si telle est votre envie, n’hésitez pas, la Renault Floride est faite pour vous. Mais dépêchez-vous car les prix grimpent…